DERNIERE MINUTE DU 4 SEPTEMBRE 2024
Par un jugement rendu le 29 août 2024, le tribunal judiciaire de Bobigny a condamné la société Air France à verser à Kévin Fermine la somme de 2 000 euros pour préjudice moral, ainsi que 3 000 euros au titre des frais de justice. Ce passager fauteuil roulant avait engagé une action en justice contre la compagnie aérienne en raison des difficultés significatives rencontrées lors de ses voyages, notamment le surcoût lié à l'obligation de payer le billet d'accompagnateur.
Obligation d'information non respectée
Le tribunal a jugé qu'Air France n'avait pas enfreint le règlement européen ni les conditions générales du contrat de transport. Cependant, en contraignant Monsieur Fermine à sélectionner un vol plus coûteux et à supporter le coût du billet de son accompagnateur, Air France a manqué à son obligation d'information. « Tous ces désagréments, strictement liés à sa situation de handicap, ne lui ont pas permis d'organiser son voyage en toute connaissance de cause, l'ont contraint à subir une annulation, l'ont finalement dissuadé de voyager et lui ont nécessairement causé un préjudice moral », a conclu le tribunal.
DERNIERE MINUTE DU 21 FEVRIER 2024
Le combat de Kevin a porté ses fruits. Bonne nouvelle pour les passagers en situation de handicap qui voyagent avec Air France, ils peuvent désormais modifier le nom de leur accompagnateur si celui-ci vient à se désister. Ce changement, sans frais, peut être réalisé jusqu'à 48 heures avant le départ du premier vol du voyage en contactant le service d'assistance dédié. Sa politique commerciale a été adaptée en novembre 2023. Mais, attention, pour pouvoir bénéficier de cette « souplesse », il faut que l'accompagnateur soit « exigé » par la compagnie. Et cela dépend de la situation de handicap. Compliqué ?
Pour tout comprendre en détail, lire notre nouvel article : Air France : changement d'accompagnant maintenant possible!.
DERNIERE MINUTE DU 17 JUILLET 2023
Kevin Fermine, via l'intervention du sénateur Mouiller, a reçu le 17 juillet 2023 une réponse d'Anne Rigail, directrice générale d'Air France. Le groupe assure que l'accessibilité de ses lignes aux personnes en situation de handicap est un « enjeu éminemment important », rappelant dans le même temps qu'un accompagnateur est obligatoire pour « les personnes avec un handicap moteur ne pouvant participer physiquement à leur propre évacuation », ce qui serait le cas de Kevin (sans que les critères ne semblent vraiment définis). Anne Rigail réaffirme ensuite que les conditions tarifaires qui s'appliquent aux accompagnants sont identiques à celles des autres passagers, ne permettant donc aucune dérogation.
Le 20 juillet, c'est au tour de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) d'apporter une réponse. Selon elle, le règlement européen de 2003 « ne règle pas la question de savoir si le siège de l'accompagnateur doit être gratuit », même si les « transporteurs aériens ont été encouragés » à ce qu'il le soit « ou à un tarif significativement réduit ». Il revient donc à chaque compagnie de définir ses propres règles tarifaires. Par ailleurs, sur la question du changement d'accompagnateur, elle n'est pas abordée par le règlement européen. Néanmoins la DGAC assure que « les difficultés mentionnées » par Kevin Fermine « et qu'ont également rapportées des associations de personnes en situation de handicap (lui) permettront de travailler avec les compagnies aériennes pour améliorer leurs conditions de voyage ». De son côté, au nom d'Air France, Anne Rigail dit « étudier actuellement la possibilité de faire évoluer les règles relatives aux accompagnateurs » et mentionne « d'éventuelles évolutions ».
Kevin espère donc « avoir jeté un pavé dans la marre » et que, « si évolutions il y a, elles ne prendront pas des années ». Parce que la décision pourrait également être politique, Philippe Mouiller a sollicité Clément Beaune, ministre des Transports, sans réponse à ce jour.
ARTICLE INITIAL DU 13 JUIN 2023
Février 2023. Kevin Fermine réserve les billets d'avion pour un voyage prévu, sept mois plus tard, au Canada. Il choisit Air France. Atteint d'une infirmité motrice cérébrale (IMC) et voyageant en fauteuil roulant, le Toulousain de 31 ans pense être à l'abri des déconvenues avec la compagnie aérienne nationale. Mais le voyage en « absurdie » ne fait que commencer (explications en vidéo ci-dessus). Au moment de déclarer son handicap, Kévin découvre qu'Air France lui impose un accompagnateur, règle à laquelle il se plie. « Pour la sécurité des passagers en situation de handicap, un accompagnateur peut être exigé par Air France. Il a pour seul rôle de les assister en cas de situation d'urgence, et tout particulièrement en cas d'évacuation de l'avion », est-il indiqué sur son site. Soit. Encore faut-il aller au bout de la logique et accorder à cet accompagnateur un véritable statut, avec un « tarif préférentiel », comme le réclame Kévin. « Le fait de contraindre à s'acquitter d'une place plein tarif constitue une discrimination », explique-t-il dans un courrier adressé au service client de la compagnie. Mais l'incohérence ne s'arrête pas là…
Solution : racheter un billet plein pot
Trois mois plus tard, l'accompagnateur de Kévin lui fait faux bond. Un détail pour le trentenaire qui pense pouvoir simplement changer le nom de ce dernier sur le billet. Or le service d'assistance « Saphir » de la compagnie lui répond que c'est impossible. Les seuls cas autorisés : les fautes de frappe ou les changements d'état civil. Contacté par nos soins, le service communication d'Air France reste campé sur sa position, pour des raisons « historiques ». Leur solution ? Racheter un autre billet « plein pot » avec le nom du nouvel accompagnateur. « C'est totalement incompréhensible a fortiori lorsqu'on sait que le secteur de l'aide à la personne traverse en ce moment une crise sans précédent, avec un énorme déficit en personnel et des démissions à tout va. Il est donc très difficile, voire impossible, de planifier l'organisation d'un voyage pour une personne handicapée longtemps à l'avance », s'agace le jeune homme. « Sans cette condition particulière, le risque est immense pour la personne de ne plus pouvoir du tout voyager », complète-t-il. Il regrette par ailleurs de n'avoir reçu que des réponses types de la compagnie qui ne prenaient jamais en compte sa situation spécifique, Air France se retranchant systématiquement derrière le réglement.
Même situation à la SNCF
Des difficultés qui ont un goût de déjà-vu… En janvier 2023, nous évoquions le cas d'un autre voyageur en situation de handicap, Chouaieb Nemri, client cette fois de la SNCF (Lire : SNCF : impossible de modifier le nom de l'accompagnateur!). « Mon aidante avait un problème personnel qu'il m'était impossible de prévoir. Mais ça arrive souvent que les aides à la personne soient retenues sur l'une de leurs missions et donc contraintes d'annuler leur voyage en train », précisait-il. Egalement sollicité par Handicap.fr, le service SNCF Voyageurs avait, en substance, formulé la même réponse que son homologue aérien : « Le problème n'est pas spécifique aux personnes en situation de handicap et aucune évolution n'est prévue à court terme ».
Quid des autres compagnies ?
A y regarder de plus près, cette immuabilité des billets d'avion semble répandue dans la plupart des compagnies aériennes. Chez Transavia, les conditions de modification du nom de l'accompagnant sont les mêmes que pour les autres passagers, à savoir 50 euros par nom. Même politique chez Vueling. Du côté de British Airways, la rigueur est également de mise. La compagnie britannique offre une période de réflexion de 24 heures pendant laquelle il est possible d'annuler la réservation et de recevoir un remboursement complet. Passé ce délai, il faut annuler la réservation d'origine et en faire une nouvelle pour le nouveau voyageur (aux prix des billets en cours).
Des actions au plus haut niveau ?
Le ministère délégué aux Personnes handicapées répond que « l'amélioration de la qualité des services d'assistance aux voyageurs » figure parmi les mesures annoncées lors de la Conférence nationale du handicap et, ce, dès 2023. Sans se prononcer précisément sur cette situation très spécifique, il ajoute « vouloir que les opérateurs de transports accompagnent mieux les voyageurs en amont, pendant et après leur voyage » et assure que « les difficultés rencontrées lors de la réservation sont un point de vigilance partagé avec le ministère des Transports ».
De son côté, Philippe Mouiller (LR), président du groupe d'études Handicap au Sénat, s'est engagé à prendre cette affaire au sérieux, soit en travaillant sur une proposition de loi si elle est d'ordre législatif, soit en engageant des discussions avec le ministère des Transports si elle est d'ordre réglementaire. Il a, par ailleurs, saisi quelques jours plus tard la PDG d'Air France. De son côté, Kévin Fermine a saisi le Défenseur des droits et lancé un contentieux contre Air France « pour que les choses évoluent ». Décollage immédiat… ou pas ?