8 000 maladies rares et 4 millions de Français concernés ! Solhand se bat depuis 2007 aux côtés de familles souvent isolées. A la barre, Annie Moissin, une femme énergique et empathique qui se donne sans compter.
Handicap.fr : L'association « Solhand, Solidarité Handicap autour des maladies rares » donne rendez-vous à tous ceux qui le souhaitent pour sa journée nationale le samedi 17 mai à Paris.
Annie Moissin : Oui, elle aura lieu au Centre international de séjour de Paris Maurice Ravel, dans le 12ème, de 14 à 18h pour la conférence-débat.
H.fr : Vous insistez sur le fait que cette journée est ouverte à tous (article complet en lien ci-dessous)...
AM : Oui et pas seulement à nos membres. L'Assemblée Générale statutaire du matin sera suivie de présentations spécifiques par des intervenants de qualité, sous forme de conférences-débats enrichissantes, puis d'une belle soirée spectacle où nous pourrons tous échanger ensemble et décompresser.
H.fr : C'est ça la vocation de Solhand : créer des passerelles entre des mondes qui se côtoient peu ?
AM : Exactement. Faire tomber les barrières entre soignés et soignants, entre le monde scientifique (médecins, chercheurs) et les familles afin de sortir ces dernières de leur isolement. La plupart sont confrontées à l'errance diagnostique. Je reçois très souvent des messages de mamans qui ne savent plus à qui s'adresser. Une étude a démontré que, en cas de maladie rare, il faut en moyenne six ou sept ans avant qu'un diagnostic ne soit posé, sauf s'il y a prédisposition familiale. On n'appelle pas ces maladies « orphelines » par hasard !
H.fr : Solhand se définit comme un collectif d'associations. Qui peut vous rejoindre ?
AM : A la fois les associations qui peuvent adhérer : Solhand en rassemble près d'une trentaine actuellement. Mais nous comptons aussi des membres individuels car tous les parents confrontés au handicap de leur enfant ne créent pas forcément une asso. J'aide tous ceux qui me sollicitent, qu'ils soient ou non adhérents. Je reçois énormément de mails, au point que j'ai fini par supprimer mon numéro de téléphone personnel car je recevais des appels jour et nuit, parfois désespérés... Il n'y a pas de vacances ou de week-ends face à la maladie et aux problématiques qui l'accompagnent.
H.fr : Solhand n'a pas de local ?
AM : Non, nous n'avons pas obtenu les financements nécessaires pour nous installer ou même verser un salaire à qui que se soit.
H.fr : Vous vous inspirez de votre propre vie pour conseiller les autres...
AM : Oui ca me parait indispensable, il faut savoir se livrer pour instaurer un climat de confiance. Le facteur « pas de chance », je connais ! Je ne me plains pas et essaye toujours de montrer à ma famille le côté positif de la vie. Je rencontre des tas de mamans qui, comme moi, en ont assez de pleurer et veulent aller de l'avant. Ce qui n'empêche pas l'empathie. Je dis à mes interlocuteurs « que parfois je suis passée par là », ce qui permet de débloquer des situations terribles. Au bout du fil, je sens cet immense soulagement : « Enfin quelqu'un qui me comprend ! ».
H.fr : D'autant que certains cas excessivement rares laissent la médecine dans la plus grande ignorance...
AM : Parfois, un seul individu présente tel ou tel symptôme. Alors, dans ces circonstances, à quelle association de patients s'adresser ? Les proches sont totalement démunis, ne savent plus à quelle porte frapper, qui consulter... Elles souhaitent juste rencontrer d'autres personnes pour échanger et se donner la force de continuer, malgré tout.
H.fr : Et c'est là que Solhand peut intervenir...
AM : Oui, entre autres. Je passe certaines de mes journées à chercher les bons contacts pour des parents qui sont sur le point de baisser les bras. En 2014, encore ! Ca me navre de ne pas trouver ne serait-ce qu'une prise en charge médicale adaptée, une aide globale au quotidien...
H.fr : Dans l'impasse, certains parcourent le monde avec l'espoir de trouver une piste...
AM : Oui, une maman en est à son 4ème pays. Partout on lui répond qu'entreprendre des recherches sur une anomalie génétique spécifique est long et fastidieux et pas du tout rentable. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
H.fr : Pourquoi associer maladie rare et handicap ?
AM : Parce qu'une maladie rare engendre toujours un handicap, au sens large, qu'il soit visible ou pas. Il faut cesser avec le stéréotype du fauteuil roulant. Un enfant qui tombe dans la rue à cause d'une crise d'épilepsie sévère, c'est un handicap qui, pourtant, a priori, ne se voit pas ! Je croise pas mal de gens qui continuent de sourire mais souffrent profondément dans leur chair...
H.fr : Qu'est-ce qui plonge les parents dans la plus grande déception ?
AM : Certainement le manque de considération de la maladie de leur enfant, a fortiori lorsqu'elle ne porte pas de nom. Il faut répéter sans cesse, expliquer, presque se justifier d'être là. A l'école, chez le médecin traitant, dans l'IME et même à l'hôpital... Car dans les consultations bondées, c'est l'abattage. Un quart d'heure pas plus alors que les parents pendant des mois ont réuni des dizaines de questions, ont besoin de prendre le temps, de comprendre. Ils en posent une et au suivant ! En ressortant, ils sont toujours dans le même flou total. On ne peut blâmer les spécialistes qui sont débordés de travail, on constate c'est tout !
H.fr : Qu'ont-ils le plus envie d'entendre ?
AM : Evidemment qu'on va prendre en charge leur enfant. Mais aussi que la recherche s'occupe de son cas... Le corps médical a tendance à penser que la recherche n'appartient qu'aux scientifiques. Or les parents ont besoin d'espoir.
H.fr : Et c'est ce que leur insufflent vos actions ?
AM : Oui, on essaye en tout cas, je pourrais vous raconter de très belles choses qui ont permis d'aider à sauver certains enfants de situations critiques. Solhand souhaite écrire un petit bout d'histoire avec chacun d'eux, lorsque nos routes se croisent.