10 milliards d'euros d'économies sur le budget de l'Etat en 2024 souhaitées par le ministère de l'Economie, annonce Bruno Lemaire le 28 février 2024, afin de faire face à une croissance ralentie et un contexte géopolitique tendu. Le secteur social et médico-social serait concerné, avec une baisse estimée à 230 millions d'euros.
Coup dur pour un secteur en crise ?
Un énième coup dur pour une filière en crise, déplorent certaines associations (dont Nexem, Unapei, Uniopss…), qui s'inquiètent des conséquences sur le quotidien des personnes en situation de handicap. La Fédération Paralysie cérébrale France redoute, par exemple, l'impact de ces économies sur la mise en œuvre du plan national des « 50 000 solutions nouvelles », destinées à améliorer l'accompagnement des enfants et adultes handicapés d'ici à 2030 (Lire : 50 000 solutions nouvelles : les détails enfin dévoilés!). « Les besoins sont criants et ces mesures très attendues ne pourront être décemment différées », affirme-t-elle. Alors, menace ou pas ?
Coup de rabot ou pas ?
Handicap.fr a posé la question au ministère délégué aux Personnes handicapées et âgées. Il se veut rassurant. Cette réduction des dépenses de 230 millions d'euros ne porte pas sur le budget de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), d'ailleurs en hausse de 5,3 % en 2024 avec près de 41 milliards d'euros au total (Autonomie : entre urgences et actions, la CNSA fait le job?) mais sur le budget dit « 157 » de l'Etat portant sur le programme « handicap et dépense ». Selon lui, cela « n'impacte donc pas les établissements médico-sociaux, ni les personnes en situation de handicap ou les réformes en cours ».
D'accord mais, au final, ce sont 230 millions d'euros en moins ou pas ? Oui et non ! Il s'agit, selon le cabinet de Fadila Khattabi, d'un « rééquilibrage budgétaire interne » s'inscrivant dans le cadre de la déconjugalisation de l'AAH (Allocation adulte handicapé) et « qui n'a pas d'effet de bord sur les bénéficiaires de cette allocation ».
Déconjugalisation de l'AAH en cause
C'est complexe, on explique en détail. En 2022, lorsque le Parlement vote la déconjugalisation de l'AAH, il est demandé à la DREES (direction de la recherche et des statistiques) et à la CNAF (Caisse nationale d'allocations familiales) d'évaluer le nombre de bénéficiaires potentiels ainsi que le coût possible de cette mesure. Les services de l'Etat ont ainsi estimé que 120 000 personnes handicapées pourraient en bénéficier, dont 80 000 nouveaux entrants. Pour accompagner cette montée en puissance, une enveloppe de 500 millions d'euros a donc été prévue dans le PLF (Projet de loi de finances) 2024.
Des dossiers pas déposés !
Or, « malgré de nombreuses campagnes en direction des personnes concernées, notamment des courriers auprès des nouveaux bénéficiaires, toutes n'ont pas prétendu à ce nouveau droit », observe le ministère. Autrement dit, pour cette première année d'entrée en vigueur de la réforme, plusieurs milliers de personnes n'ont pas déposé de dossier dans leur CAF. « Le 'coût' de la déconjugalisation de l'AAH s'est donc révélé inférieur aux 500 millions prévus pour 2024, justifiant les 230 millions d'économies réalisées par le ministère de l'Economie et des Finances », explique le cabinet.
Aucun durcissement prévu !
Il se dit « très clair sur le sujet » et assure qu'aucun bénéficiaire de l'AAH ne verra son allocation diminuer, il n'y aura pas non plus de durcissement de l'accès à ce droit. « L'investissement induit par la déconjugalisation de l'AAH est seulement lissé sur plusieurs années, suivant l'augmentation du nombre de bénéficiaires », conclut le cabinet de Fadila Khattabi.
L'économie sociale et solidaire impactée
Il n'en reste pas moins que d'autres secteurs seront impactés par ces coupes franches du budget de l'Etat. Celui de l'économie sociale et solidaire (ESS) pourrait voir ses financements baisser de près d'un milliard d'euros. Cela concerne les secteurs de l'accès au logement, dépendance, asile et intégration, sport, jeunesse et vie associative, solidarité, insertion et égalité des chances. Selon Hugues Vidor, président de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES), qui représente 32 000 entreprises et près d'un million de salariés, il s'agit « d'une politique court-termiste et contreproductive » qui pourrait finalement coûter plus cher que les économies réalisées.
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