Candidat Fabien Roussel (PC): quelle place pour le handicap?

Quelle place pour le handicap dans le programme de Fabien Roussel (Parti communiste) ? Comme à tous les autres candidats à l'élection présidentielle, en amont du grand débat du 23 mars, Handébat a posé ses questions. Réponses en texte et en images

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23 mars 2022 à partir de 11h, Handébat, en partenariat avec Handicap.fr, vous emmène à la rencontre de huit candidats et candidates à l'élection présidentielle, en direct de la Maison de la radio à Paris (en lien ci-dessous). Objectif ? Passer au crible les mesures handicap de leur programme. En amont, ils se sont prêtés au jeu de l'interview au sein de leur QG (autres interviews en lien ci-dessous). Premier entretien avec Fabien Roussel du Parti communiste...

Question flash : quelle place pour le handicap dans votre politique ?
Donnons toute leur place aux personnes handicapées, par des politiques émancipatrices, fondées sur les droits, pour en finir avec la vision paternaliste et médicale. Nous inscrirons dans la Constitution l'accessibilité universelle, abrogeant la loi ELAN qui a supprimé le 100% accessible dans les logements neufs ! Nous créerons également la prestation universelle d'autonomie et « déconjugaliserons » l'AAH, revenant ainsi à trois grands piliers de 2005 : l'accessibilité, la compensation et des ressources dignes.

Et dans votre gouvernement ?
Un ministère de plein exercice est nécessaire. Mais il ne peut pas se passer de l'apport d'un Conseil des personnes handicapées indépendant, véritablement consulté, avec des moyens propres, et dont les avis sont obligatoires et contraignants, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui.

1 - CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES DE L'ONU
• L'ONU exhorte la France, à la suite de son audition à l'été 2021, à fermer tous ses établissements médico-sociaux. Vous engagerez-vous à suivre ce cap ou vous semble-t-il excessif ?
Cet objectif ne peut pas être atteint si aucune solution alternative n'est proposée aux résidents actuels des établissements ! Les personnes en situation de handicap doivent pouvoir choisir leur lieu de vie, comme tout un chacun, et avoir les moyens de faire ce choix : accompagnement et compensation dans la cité ou dans des logements collectifs de taille humaine, proposant des services et ouverts sur la ville et leur environnement, tels qu'on peut les trouver en Finlande, par exemple.

• Quelles réponses apporterez-vous aux milliers de familles qui, à bout, restent sans solution, parfois durant des années et doivent pour certaines arrêter de travailler pour garder leur enfant à la maison ?
Nous proposons de revenir à l'esprit de la loi de 2005, avec un service public national de l'autonomie, construit autour des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui auront les moyens de fonctionner et de remplir leurs missions d'accueil, d'information et d'accompagnement. Nous créerons un statut véritable pour les aidants, assorti de droits sociaux et de congés que les parents salariés pourront enfin prendre sans nuire à leur emploi ! Sans compter que ce sont majoritairement les mères qui arrêtent de travailler…Nous créerons une prestation universelle d'autonomie, sans barrières d'âge (le handicap ne disparaît pas à 60 ans !) ni restes à charge.

2 - CITOYENNETE
Les personnes handicapées peinent à accéder à la vie publique et à une citoyenneté pleine et entière. Comment changer la donne ?
• Etes-vous favorable à l'instauration de quotas sur les listes électorales, à l'image de ce qui existe pour d'autres publics (par exemple parité homme/femme) ?
Il faudrait veiller d'abord à une meilleure accessibilité, générale, et également de la vie publique, pour permettre aux personnes handicapées de participer et de se présenter aux élections. Une fois élues, elles doivent avoir les moyens nécessaires à la compensation de leur handicap afin d'exercer leur mandat sans obstacles ! La prestation d'autonomie que nous proposons couvrira intégralement les frais d'exercice de mandats électifs.

• Respecterez-vous le quota de 6 % de personnes handicapées dans votre gouvernement, vos cabinets, votre administration ?
Les pouvoirs publics doivent donner l'exemple ! La représentation publique doit être à l'image de la société et les personnes handicapées doivent pouvoir participer jusqu'au plus haut niveau des responsabilités, y compris dans les ministères et la haute fonction publique.

3 - RESSOURCES
• Mettrez-vous en œuvre l'individualisation de l'AAH, soutenue par tous les partis d'opposition contre l'avis de la majorité ?
Evidemment ! Le PCF a été à l'origine de plusieurs propositions de loi dans ce sens.

• Par ailleurs, cette allocation à taux plein reste, avec 903 euros par mois, en dessous du seuil de pauvreté fixé en France à 1 102 euros en 2021. Comptez-vous l'augmenter à ce niveau pour son million de bénéficiaires ?
Nous proposons que son taux plein soit porté au niveau du salaire minimum, que nous relèverons à 1400 euros nets.

4 - EDUCATION
• 4 000 AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) de plus promis à la rentrée 2022, est-ce suffisant ? Vous engagerez-vous à faire mieux et comment ?
C'est largement insuffisant ! Il suffit d'écouter les parents et les AESH en lutte pour le savoir ! Nous proposons le recrutement de 90 000 AESH parce que l'accompagnement des élèves doit se faire à la hauteur des besoins, par des AESH formées, valorisées et intégrées à la fonction publique (en catégorie B, temps plein de 24 heures hebdomadaires et 24 mois de formation), ainsi que des interprètes scolaires en Langue des signes française (LSF) ou codeurs en Langue française parlée complétée (LPC) professionnels, financés par l'Education nationale et membres de l'équipe éducative.

• L'école inclusive a-t-elle ses limites ou est-ce un cap non négociable, quelles que soient les difficultés pour la mettre en œuvre ?
L'école doit accueillir tous les élèves, c'est un droit non-négociable, qui doit être rendu effectif.

• Quatre mesures concrètes, de la maternelle aux études supérieures.
-    Renforcement de l'encadrement dans les crèches et autres structures de la petite enfance lorsqu'un enfant handicapé y est accueilli.
-    Renforcement des moyens des Centres d'action médico-sociale précoce (CAMPS) pour une prise en charge précoce et éviter les listes d'attente interminables actuelles.
-    Suppression des Pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL)
-    Réduction systématique des effectifs dans les classes accueillant des enfants handicapés.
-    Accompagnement garanti et financé des étudiants en situation de handicap dans tous les aspects de la vie étudiante.

• Que proposez-vous pour faciliter la mobilité internationale des étudiants en situation de handicap ?
Permettre aux étudiants de conserver leurs droits à compensation et accompagnement, y compris en mobilité hors Union européenne, en facilitant les démarches, aujourd'hui longues et complexes.

5 - EMPLOI
500 000 personnes handicapées sont au chômage. Jugez-vous que « nul n'est inemployable » ? Si oui, faut-il viser l'emploi en milieu ordinaire ou renforcer les dispositifs spécifiques, type Esat ?
Nous sommes pour la sécurité emploi et formation tout au long de la vie, évidemment que nul n'est inemployable, à condition de bénéficier des aménagements adaptés à sa situation de handicap. Milieu ordinaire et milieu spécifique, les deux sont nécessaires ; il peut y avoir des allers et retours entre les deux. Selon les étapes de la vie professionnelle, et la situation de handicap, l'accompagnement peut être de nature variable. Il faut renforcer encore les obligations des entreprises car le handicap est la 1ère cause de discriminations à l'emploi, selon le Défenseur des Droits, depuis des années ! Mais aussi développer les Esat et EA (entreprises adaptées) si, et seulement si, les personnes ont les mêmes droits que les autres travailleurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ! Une discrimination supplémentaire.

• Trois mesures phares pour l'emploi des personnes handicapées et comment comptez-vous les financer ?
-    Les Esat seront régis par le Code du travail.
-    Nous renforcerons les Inspections du travail, laminées ces dernières décennies, afin de permettre aux salariés en situation de handicap de les saisir facilement en cas de manquement de l'employeur ou de discrimination.
-    Nous rétablirons le suivi renforcé par les Médecins du travail (nous créerons un service public de la médecine du travail) et mettrons fin au recours de plus en plus systématique à la mise en inaptitude au travail (rapport 2019 de la Drees : 120 000 licenciements pour inaptitude).

• N'êtes-vous pas inquiet sur l'avenir de l'AGEFIPH et du FIPHFP, d'abord à cause de leur budget en baisse mais aussi de la volonté actuelle de transférer aux entreprises et à leur bonne volonté (RSE) la compensation du handicap en emploi, qui se matérialise concrètement par la suppression des accords entreprise en 2024 ?
C'est une question d'égalité de traitement et de droit du travail, que l'Etat doit garantir, on ne peut pas s'en remettre à la bonne volonté de certaines entreprises pour lesquelles ce sera toujours le profit d'abord et l'idée qu'embaucher un « handicapé », ça coûte cher ! Nous renforcerons ces deux fonds, dont la gouvernance tripartite (employeurs, organisations syndicales et associations de personnes handicapées) est exceptionnelle et doit être préservée, par l'augmentation des contributions actuelles des employeurs qui ne jouent pas le jeu et n'embauchent pas ou pas assez de travailleurs handicapés.

6 - ACCESSIBILITE NUMERIQUE
En dépit de la réglementation, de nombreux sites internet, y compris gouvernementaux, ne sont pas accessibles, faisant peser sur les personnes handicapées, pour certaines déjà isolées par les difficultés de déplacement, le poids supplémentaire de la fracture numérique. Acceptez-vous de durcir significativement les sanctions et de mettre en place une autorité de contrôle et de régulation ?
Il est indispensable que l'information, a fortiori de service public, soit accessible à toutes et tous. C'est une demande constante du Défenseur des droits depuis des années face à la dématérialisation croissante des démarches. Le numérique apporte beaucoup aux personnes en situation de handicap mais, si besoin est, il faut pouvoir s'adresser à un être humain capable de répondre à vos questions ! Cela s'applique d'ailleurs au-delà des personnes en situation de handicap. Nous instaurerons donc une obligation pour tous les sites Internet, pour une accessibilité en « natif », avec des contrôles à l'appui, comme pour l'accessibilité physique.

7 - CHOC DE SIMPLIFICATION
L'un des principaux credo du gouvernement actuel a été la simplification de l'accès aux droits des personnes handicapées avec, pour la première fois, un grand nombre d'attributions à vie (RQTH, PCH, CMI…) pour certains handicaps. Comptez-vous aller plus loin ?
Simplification, oui, si elle ne rime pas avec recul des droits ! Bien souvent, au cours de ce quinquennat, la simplification a été le prétexte à des reculs ou une concertation de façade avec les représentants des personnes en situation de handicap. Il faut en priorité que les droits soient effectivement appliqués, que les moyens pour une compensation aboutie soient mis en œuvre, dans le respect de l'esprit de la loi de 2005 et avec un financement à la hauteur des besoins par la solidarité nationale. Les MDPH doivent être le pilier d'un service public de l'autonomie. Chacun doit pouvoir se renseigner sur ses droits auprès de sa MDPH, avoir la bonne information, déposer un dossier qui sera traité rapidement et obtenir des droits évalués individuellement et en tenant compte de ses besoins et aspirations.

La vraie simplification consisterait à ce que les MDPH soient un véritable « guichet unique », comme prévu en 2005, mettant fin au parcours d'obstacles afin de financer, par exemple, un fauteuil roulant. La personne en situation de handicap déposerait un dossier à la MDPH et cette dernière gérerait les demandes auprès des autres organismes (Assurance-maladie, fonds de compensation). Je rappelle par ailleurs que les enveloppes de la PCH (prestation de compensation du handicap) n'ont pas été revalorisées depuis 2006, alors que l'inflation a été de 23% !

8 - HABITAT INCLUSIF
Au risque d'ébranler le système français du tout médico-social, l'habitat inclusif, qui promeut la vie de la personne handicapée au cœur de la cité, fait aujourd'hui une percée. Comptez-vous encourager cette formule qui prône le vivre ensemble, même si cela suppose d'y investir des moyens supérieurs ? Y voyez-vous certaines limites ?
Chacun doit pouvoir choisir son lieu de vie, que ce soit dans un établissement de taille humaine, ouvert sur la cité, ou à domicile. L'habitat partagé est une possibilité si la personne le souhaite et si ses droits ne sont pas minorés (pas de mutualisation de la PCH, par exemple). Pour que ce modèle réussisse, il doit être financé par la solidarité nationale. Les bailleurs sociaux ont leur rôle à jouer, à condition d'augmenter les aides à la pierre, afin de construire des logements accessibles à tous.

9 - ACCESSIBILITE DU BATI
• Les Ad'ap (agenda d'accessibilité programmé) ont fixé des échéances et des règles précises pour assurer l'accessibilité des ERP (établissements recevant du public). Or elles ne sont pas respectées car aucune sanction n'est encore tombée. Vous engagez-vous à durcir le ton et comment ?
La situation en matière d'accessibilité dans notre pays est inadmissible, 17 ans après la promulgation de la loi de 2005, 46 ans après celle de 1975. L'accessibilité universelle sera inscrite dans la Constitution. Toute aide publique sera conditionnée à l'accessibilité des biens ou des services proposés. Nous durcirons les sanctions et créerons des aides pour les petites entreprises (artisans, commerçants, ERP de catégorie 5).

• La Loi ELAN, ayant fait passer le nombre de logements accessibles de 100 à 20 %, suscite la colère des associations. Comptez-vous revenir sur ce principe ?
La loi ELAN sera abrogée. Comment peut-on préparer l'avenir avec des logements neufs inaccessibles à un quart de la population ?

10 - SANTE
Au risque de mettre ce public en danger, l'accès aux soins des personnes handicapées reste un gros point noir, du fait de l'inaccessibilité des lieux de soins, du manque de formation du monde médical aux particularités du handicap et de reste à charge qu'elles ne peuvent assumer. Comment comptez-vous y remédier ?
Il faut commencer par faire un état des lieux précis, de proximité, et accompagner les professionnels vers la mise en accessibilité. Les lieux de soins doivent être accessibles ; l'accessibilité du bâti mais aussi l'accueil et la prise en charge adaptée à tous les handicaps seront garantis, sous peine de sanctions.
Nous développerons massivement les centres de santé, supprimerons les franchises et participations forfaitaires, aujourd'hui payées par tous, y compris les personnes en ALD (affection longue durée). Nous voulons une véritable prise en charge à 100 % par la Sécu, sans restes à charge, sur la base des principes fondateurs de solidarité et d'universalité des droits de notre Sécurité sociale ?

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