Par Catherine Fay-De-Lestrac
"Maltraitance physique ou verbale, privation de nourriture comme punition, défauts de soins ayant parfois conduit au décès, denrées alimentaires avariées, rationnement des repas, bâtiments mal entretenus ou vétustes", fraudes financières... Depuis 2015, des "manquements graves ont été relevés dans plus de 60 établissements" belges accueillant des Français en situation de handicap, pointe un rapport de la Cour des comptes publié le 17 septembre 2024.
Gifles, coups, défenestration...
Ces défaillances concernent "chaque année une vingtaine des quelque 200 structures accueillant des Français", soit 10 % d'entre elles. "Des incidents liés à de la maltraitance ou de la négligence ont eu lieu (par exemple une gifle d'une éducatrice sur L., coups sur J. par un éducateur, défenestration de J.) et ne sont pas signalés aux autorités", lit-on dans un rapport d'inspection cité par la Cour, qui en a consulté 150.
8 200 Français dont de nombreux "cas complexes"
Des établissements spécialisés en Wallonie accueillent depuis des décennies des ressortissants de l'Hexagone et leur nombre n'a cessé d'augmenter, avec aujourd'hui quelque 8 200 Français (7 000 adultes et 1 200 enfants), selon l'institution basée à Paris. La Wallonie accueille en particulier des "cas complexes" qui ne trouvent pas de solution en France : sorties d'hôpitaux psychiatriques, jeunes ne trouvant pas à leur majorité de places en établissements pour adultes, personnes exclues de leur centre pour troubles du comportement.
Illustration des "manques de l'offre française"
La population accueillie en Wallonie illustre "les manques de l'offre française", relève la Cour. Ces départs sont pris en charge par la Sécurité sociale et les départements français, pour un coût évalué à 500 millions d'euros par an. "La création d'établissements en Belgique, facilitée par la certitude de (...) les savoir financés par la France, a attiré de nouveaux entrepreneurs parfois très éloignés du champ médico-social, aux côtés des opérateurs historiques", estime la Cour.
En France, de nouvelles solutions... "pas adaptées"
Pour contenir le coût de ces départs en Belgique, la France a instauré en février 2021 un moratoire qui gèle le financement de nouvelles places. Et 90 millions d'euros sur trois ans ont été attribués aux Agences régionales de santé (ARS) d'Ile-de-France, des Hauts-de-France et du Grand Est pour créer des places en France. "1 800 solutions" ont été créées mais elles "ne sont pas adaptées aux situations" des exilés : moins d'un tiers concernent de l'hébergement à temps complet, l'essentiel étant de l'accueil temporaire ou des services à domicile, conformément à la politique de "désinstitutionnalisation" menée par la France, relève la Cour. Les Français hébergés en Belgique peuvent y rester et seules les places libérées peuvent être pourvues. Mais le moratoire a créé des files d'attente pour ceux sans solution en France.
Appel à la vigilance !
"De nombreux résidents français n'envisagent pas leur vie ailleurs qu'en Wallonie", note la Cour française qui "appelle les autorités françaises à une plus grande vigilance sur la qualité et la sécurité" de leur prise en charge. Le contrôle du bon usage des 500 millions d'argent public s'avère "insuffisant", note également la Cour. Dans sa réponse, l'Assemblée des départements de France constate avec "inquiétude" les "manquements graves" relevés par la Cour et approuve ses "recommandations".
Une approche belge généralement "plus efficace" ?
Interrogée par l'AFP, l'Association pour les Français en situation de handicap en Belgique (Afresheb) juge que le rapport insiste "trop sur les dysfonctionnements" plutôt que sur l'approche belge "plus efficace et bienveillante" que le système français. "Il y a eu des manquements en Belgique mais les normes ont été relevées et des établissements sont fermés par les autorités. Les contrôles sont plus fréquents en Belgique qu'en France", déclare sa présidente Isabelle Resplendino. "Le système belge mise sur l'éducatif, alors qu'en France ces cas complexes sont en hôpital psychiatrique, sous médicament ou sous contention", estime cette Franco-Belge dont l'enfant, autiste sévère, travaille aujourd'hui comme palefrenier dans les Ecuries royales.
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