Le Sénat à majorité de droite a adopté en première lecture, dans la nuit du 11 au 12 juillet 2023, le projet de loi "pour le plein emploi", qui doit notamment mettre en place un suivi plus directif des allocataires du RSA et favoriser l'embauche de personnes en situation de handicap. Le vote a été acquis par 250 voix "pour" et 91 "contre" (les trois groupes de gauche).
Objectif 5 % de chômage en 2027
Porté par le ministre du Travail, Olivier Dussopt, ce projet de loi ne sera examiné par l'Assemblée nationale qu'à l'automne. Il doit donner naissance au réseau France Travail, incluant Pôle emploi comme opérateur principal, pour mieux coordonner les acteurs du service public de l'emploi. L'exécutif mise sur cette transformation pour atteindre le plein emploi, soit un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement), avec, en toile de fond, l'idée que "personne n'est inemployable". Concrètement, il prévoit que seront automatiquement inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi, outre les personnes en recherche d'emploi, les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) ainsi que leur conjoint, et les jeunes suivis par les missions locales. Il généralise pour toutes ces personnes un "contrat d'engagement", durci par les sénateurs : ils ont prévu que ce contrat fixe une durée hebdomadaire d'au moins 15 heures d'activité (immersions, remises à niveau, rédaction de CV...), alors que le gouvernement souhaite conserver une certaine souplesse pour prendre en compte les situations particulières.
Un milieu ordinaire plus accessible
Dans la même "logique de droits et devoirs", le texte rend plus facile la mise en œuvre de sanctions pour les allocataires ne respectant pas leurs obligations, avec une nouvelle mesure dite de "suspension-remobilisation". Le texte comporte deux autres volets : l'un qui vise à améliorer l'accès des personnes handicapées à l'emploi dans le milieu ordinaire et l'autre sur la petite enfance qui reconnaît les communes comme "autorités organisatrices" de l'accueil, avec mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l'offre. Ce dernier volet a été sensiblement modifié par les sénateurs, avec la suppression de la "stratégie nationale" que le gouvernement souhaite mettre en place et un allégement des contraintes pesant sur les petites communes.
Handicap : un sac à dos numérique
Sur le volet handicap, le Sénat a voté un amendement du gouvernement créant "un sac à dos numérique". La mesure avait été annoncée lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023. Il s'agit de créer un dossier numérique personnel qui appartient à chaque personne en situation de handicap et recense l'ensemble des aménagements dont elle a bénéficié tout au long de sa vie. Cela afin de faciliter la mise en place de nouveaux aménagements quand elle intègre une formation ou quand elle accède à un emploi. Cette disposition doit "faciliter la mobilité" des travailleurs en situation de handicap, a indiqué le ministre du Travail Olivier Dussopt. La rapporteure Pascale Gruny (LR) a salué "une mesure très attendue" qui "aidera les personnes en situation de handicap, notamment leur intégration dans un nouvel emploi". Cet espace personnel serait ouvert à toute personne de 16 ans et plus. Il serait lié au système d'information du compte personnel de formation (CPF) déjà géré par la Caisse des dépôts et consignations. Il serait alimenté avec les aménagements déjà mobilisés durant la scolarité, puis tout au long de la carrière.
Plusieurs modifications
Par ailleurs, le Sénat a modifié le texte sur plusieurs points :
· pour garantir que l'équivalence RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) s'applique à tous les bénéficiaires de l'obligation d'emploi, y compris ceux exerçant dans la fonction publique ;
· en conservant le nom "Pôle emploi" réservé aux acteurs de l'emploi et d'insertion, pour éviter toute confusion (au lieu de "France travail" comme évoqué jadis) ;
· en complétant la définition du contrat d'engagement afin qu'elle traduise l'exigence d'une durée hebdomadaire d'activité au moins égale à 15 heures ;· en supprimant l'exigence d'une stratégie nationale concernant la gouvernance de l'accueil d'un jeune enfant, considérant que le gouvernement n'a pas besoin de cet outil pour prendre des orientations stratégiques.
Philippe Mouiller (LR) s'est félicité que le texte ait été "profondément remanié pour lutter contre la recentralisation". A gauche, la socialiste Emilienne Poumirol a jugé qu'il "fait porter la responsabilité du chômage sur les personnes les plus fragilisées par la vie". L'écologiste Raymonde Poncet Monge a interpellé Olivier Dussopt, renommé pour l'occasion "ministre de l'Emploi" : "Quand allez-vous parler du travail ?", a-t-elle demandé.