Le test salivaire pour diagnostiquer l'endométriose bientôt disponible en France et entièrement remboursé ? L'annonce de Catherine Vautrin le 7 mars 2024 sur France 2, a créé la (bonne) surprise...
Pris en charge par la Sécurité sociale ?
Alors que l'Endotest est actuellement disponible à l'étranger au prix de 1 000 euros, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités envisage une prise en charge à « 100 % par la Sécurité sociale début 2025 pour un diagnostic de première intention ». Créé début 2022 par la biotech française Ziwig, il promet un « diagnostic fiable, rapide et non invasif » afin de réduire « considérablement » l'errance de milliers de patientes, qui oscille actuellement entre sept et dix ans. « Il repose sur le séquençage à haut débit des micro ARN présents dans la salive et sur l'utilisation de l'intelligence artificielle pour traiter le très grand volume de données ainsi généré », précise la startup. Priscilla Saracco, directrice générale de l'association Endomind et patiente experte, dévoile l'enjeu de cet outil innovant à l'occasion de la Journée mondiale de l'endométriose, le 28 mars 2024.
Handicap.fr : Vous qui vous battez depuis plusieurs années pour cette prise en charge, comment avez-vous réagi à cette annonce ?
Priscilla Sarraco : Avec les membres d'Endomind, nous étions assez surprises car nous ne nous attendions pas à une prise de parole sur ce sujet... Nous sommes évidemment très satisfaits mais attendons d'avoir les contours de cette promesse parce que nous n'avons pas eu le même écho de la Haute autorité de santé. Par ailleurs, la ministre annonce la prise en charge de 3 000 patientes en 2024, dans le cadre du forfait « innovation », et entre 10 000 et 20 000 en 2025, nous sommes encore très loin du compte donc on espère que ces chiffres seront réévalués.
H.fr : Combien espéreriez-vous ?
PS : Une étude estime qu'il faudrait a minima 70 000 tests, ce qui correspond au nombre de femmes qui ont des imageries négatives, malgré des symptômes de l'endométriose.
H.fr : En janvier, la HAS refusait de « rendre l'Endotest accessible », via un remboursement par la Sécu, réclamant des études complémentaires. Comment expliquer un tel refus ?
PS : On a beaucoup de mal à le comprendre... Peut-être une question de budget et de peur de la nouveauté. La HAS a confirmé l'efficacité de ce test mais s'interroge sur son impact sur le parcours de soin des patientes. Pour nous, c'est une perte de temps, il est évident que l'obtention d'un diagnostic est positive.
H.fr : Quel est l'enjeu de l'Endotest ?
PS : Tout d'abord l'imagerie n'est pas assez performante pour diagnostiquer toutes les patientes. C'est très frustrant de passer plusieurs examens, qui reviennent négatifs, sans pour autant connaître le mal qui nous ronge. Ce test permettrait également de parer au manque d'accès à ces imageries. La gynécologie fait partie des spécialités les plus touchées par les déserts médicaux. Les femmes qui habitent à Paris peuvent prendre rendez-vous avec un radiologue spécialisé, à condition d'être patiente car il y a des mois d'attente, mais c'est beaucoup plus compliqué pour celles qui habitent au fin fond de la Creuse. Stop à l'inégalité d'accès aux soins !
H.fr : En quoi l'obtention d'un diagnostic est cruciale ?
PS : Nous avons eu beaucoup de retours disant que le diagnostic de l'endométriose ne change pas radicalement la prise en charge des patientes puisqu'on leur propose les mêmes traitements. Mais, sur le plan psychologique et le vécu personnel, ça change tout ! C'est un soulagement, il valide les souffrances endurées, pour soi mais aussi auprès des proches qui sont parfois dubitatifs. Le diagnostic permet aussi d'entrer dans un processus d'acceptation de la maladie, de comprendre son histoire et d'accéder à l'éducation thérapeutique. L'adhésion au traitement s'en voit facilité.
H.fr : Le diagnostic est aussi nécessaire pour obtenir des aides sociales, comme l'ALD 31...
PS : Effectivement, la reconnaissance en affection de longue durée de l'endométriose permet un remboursement à 100 % des soins et traitements dédiés. Son obtention est également conditionnée à la prise d'un traitement (hormonal par exemple) et à l'impact de la maladie sur la qualité de vie, ce qui est assez facilement évaluable.
H.fr : Quels sont les tests actuels pour diagnostiquer l'endométriose ?
PS : En première intention, il y a un « interrogatoire » clinique, suivi d'une échographie endovaginale, qui ne peut pas être réalisée chez une jeune fille n'ayant pas eu de rapport sexuel, puis d'une IRM pelvienne. La cœlioscopie de diagnostic n'est plus recommandée par la HAS depuis de nombreuses années mais elle est malheureusement encore pratiquée, notamment parce que certaines patientes, souhaitant à tout prix comprendre l'origine de leurs douleurs, vont frapper à la porte de tous les gynécos...
H.fr : Des tests particulièrement invasifs donc, contrairement à l'Endotest... Comment l'utiliser ?
PS : Exactement. Ce test, exclusivement disponible sur ordonnance, est à récupérer dans un laboratoire. Il suffit de cracher dans un tube, à envoyer par voie postale au laboratoire. Une dizaine de jours plus tard, le professionnel de santé qui l'a prescrit reçoit les résultats et, qu'ils soient positifs ou négatifs, propose une consultation d'annonce.
H.fr : Quel recours en cas de test négatif malgré des douleurs persistantes ?
PS : L'avantage de ce test, c'est qu'il permet également de mettre en lumière les autres pathologies pouvant expliquer des douleurs pelviennes chroniques, comme le syndrome des ovaires polykystiques, la fibromyalgie, le syndrome myofacial, l'hypersensibilité centrale pelvienne... En cas de résultats négatifs à l'endométriose, il est essentiel de creuser ces autres pistes.
H.fr : Dans quel pays est-il commercialisé actuellement ?
PS : Dans au moins dix-neuf pays dans le monde, notamment le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne... Pour l'heure, il est remboursé, en première intention, dans certains cantons suisses et dans les Emirats arabes Unis.
H.fr : Pourquoi la France est-elle à la traîne ?
PS : La startup française qui l'a créé souhaite le commercialiser à condition qu'il soit remboursé or, dans notre pays, les démarches administratives sont extrêmement chronophages... C'est également dû, selon nous, à un manque de considération du vécu des patientes dans l'analyse de la HAS.
H.fr : Quelles actions envisagez-vous pour que Catherine Vautrin tienne sa promesse ?
PS : Nous allons poursuivre nos actions de sensibilisation, comme l'Endomarche qui avait lieu le 25 mars. Nous avons également demandé des entretiens avec la HAS et le ministère de la Santé pour aborder le besoin des patientes et réfléchir ensemble sur l'avenir de l'Endotest. On attend une réponse (positive)...
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