Trois ministres présentes, une preuve, selon elles, de leur « volonté de travailler ensemble » sur un sujet qui les « insurge ». Trois femmes face aux violences sexuelles faite aux femmes en situation de handicap, particulièrement surexposées (Lire : Les femmes handicapées, surexposées aux violences sexuelles). Elles étaient réunies le 23 mai 2023 à l'occasion de l'avant-première du documentaire de Franck Seuret et Yann Rineau, Cassée debout*. Il est consacré à Marie Rabatel, présidente de l'Association francophone des femmes autistes (Lire : Docu Marie Rabatel : plein phare sur les violences sexuelles), passionaria engagée depuis des années dans ce combat, elle-même victime d'un viol à l'âge de dix ans. La projection donne lieu à des applaudissements nourris. Des questions et des indignations aussi...
Première étape : mettre en lumière
Charlotte Caubel, secrétaire d'Etat en charge de l'Enfance, pointe un « aveuglement » et un « réflexe à ne pas voir ». Dans la salle, une maman, dont l'enfant a été violé dans un IME, exhorte alors à mettre en place des vidéosurveillances dans les instituts spécialisés. Se disant « hors d'elle » face à ces témoignages, Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, dénonce à son tour sans nuances « l'omerta sur la violence faite aux enfants en établissement », constatant que l'on « glisse souvent la poussière sous le tapis ». Elle rappelle, par ailleurs, « l'importance de ne pas oublier le sort des garçons ».
Bientôt une politique complète sur les violences ?
Pour briser ce cercle vicieux, Isabelle Rome, ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, mise notamment sur le Plan interministériel « Toutes et tous égaux », lancé le 8 mars 2023. Il contient plusieurs mesures destinées à « protéger les personnes en situation handicap », notamment le contrôle systématique des antécédents judiciaires des professionnels intervenant dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Geneviève Darrieussecq s'engage, quant à elle, à porter une « politique complète sur les violences dans tous les lieux de vie et à faire prendre conscience qu'elles existent dans le milieu du handicap ». « Certains refusent de croire que cela concerne aussi les personnes handicapées parce qu'ils assimilent le viol à un désir charnel. Il s'agit en réalité d'une volonté de dominer, de détruire l'autre », clarifie Marie Rabatel (Lire : Violence sexuelle et handicap: 1 Français sur 5 dans le déni).
Des mesures de la Conférence nationale du handicap
Le train est déjà en marche, assure la ministre, faisant référence aux mesures spécifiques annoncées par Emmanuel Macron lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), le 26 avril 2023, à l'Elysée. Elles prévoient notamment la « sécurisation financière » des centres de ressources IntimAgir dédiés à la vie intime, affective et sexuelle des personnes handicapées et la « généralisation du dispositif Handigynéco » (Lire : Handigynéco : les soins gynéco accessibles à toutes?). Un module de formation à destination des aidants et des personnes en situation de handicap sur les violences sexistes et sexuelles et la notion de consentement sera également développé et diffusé. L'ensemble des dispositifs dédiés à la prise en charge des femmes victimes de violences dans les établissements de santé seront rendus accessibles, y compris pour le dépôt de plainte. Ces mesures devraient être mises en œuvre au cours du quinquennat. « Mais quand ? », s'impatientent les familles.
Des « engueulades » nécessaires
En guise de conclusion, Charlotte Caubel remercie Marie Rabatel pour « les quelques engueulades car c'est aussi ça qui fait avancer ». Elle consent, par ailleurs, « que parler nécessite beaucoup d'efforts pour les victimes mais que l'énergie phénoménale de la douleur, comme chez Marie, peut ainsi être transformée ». La ministre dit attendre beaucoup du deuxième plan sur les violences faites aux enfants, qui sera remis au président de la République à l'été 2023. Un élan collectif salué par Marie Rabatel, convaincue que c'est « ensemble que nous vaincrons ce fléau ». En écho à Gisèle Halimi, icône du féminisme, cette battante promet de « ne jamais se résigner ».
* Cassée debout est diffusé le 1er juin 2023 à 23h45 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et disponible en replay sur France.tv dès le 27 mai t jusqu'au 2 juillet 2023.